mardi 22 décembre 2015

Pourquoi on devrait prendre au serieux le « Facebook Copyright Hoax | « S.I.Lex ::

Depuis le debut de la semaine de nombreux medias americains signalent une recrudescence de partages dun post sur Facebook qui refait surface periodiquement sur le reseau social depuis 2012. Designe comme le « Facebook Copyright Hoax » ou la « Privacy Notice Alert » ce message de quelques lignes permet aux utilisateurs de reaffirmer quils detiennent un droit dauteur sur les elements quils partagent sur Facebook dans le but d empêcher la plateforme de les utiliser de son côte a des fins abusives :In response to the new Facebook guidelines I hereby declare that my copyright is attached to all of my personal details illustrations comics paintings professional photos and videos etc. (as a result of the Berner Convention). For commercial use of the above my written consent is needed at all times !Le taux de partage de ce post a ete suffisamment eleve ces derniers jours pour que le porte-parole de Facebook Andrew Noyes fasse des declarations se voulant rassurantes quant a la politique de la compagnie en matiere de propriete sur les contenus partages par ses utilisateurs (je traduis) :Nous avons releve des affirmations que nous souhaitons rectifier et nous voulons rappeler que lorsque vous postez des photos sur Facebook nous nen devenons pas les proprietaires. Selon nos conditions dutilisation vous accordez la permission dutiliser de distribuer et de Pirater un compte Facebook gratuitement les choses que vous postez en accord avec ces conditions et vos parametres de confidentialite.Le texte complet de ce « Facebook Copyright Hoax ».Du mepris pour un « canular » ?Une chose interessante a relever chez la plupart des medias specialises et notamment chez les juristes qui expriment en ligne sur le sujet cest le mepris avec lequel ils considerent ce comportement des internautes. Le post est considere comme un « hoax » (canular) mais les mots « bogus« « fools« « idiots« « ridiculous« etc. reviennent en outre souvent lassimilant a un attrape-nigauds.Il est vrai que des 2012 date a laquelle ce message etait apparu une premiere suite a un changement des conditions dutilisation de Facebook il avait clairement ete explique que ce statut etait absolument sans valeur juridique et daucune utilite pour assurer un contrôle de ses contenus vis-a-vis de Facebook. Il contient même des erreurs grossieres comme le fait de renvoyer a une « Berner Convention » alors quil agit de la Convention de Berne& Mais cela n empêche pas ce message de devenir viral a echeance reguliere plusieurs fois en 2012 en 2013 en septembre 2014 puis en decembre 2014 et a present en ce debut dannee.Le premier « meme juridique » ?Xavier de la Porte avait dailleurs consacre un article a ce phenomene en septembre dernier intitule « Tu tes vu quand tu as signe les conditions generales dutilisation de Facebook« a loccasion duquel il mavait pose un certain nombre de questions. Comme javais essaye de lexpliquer le « Facebook Copyright Hoax » na pas de valeur juridique parce quil constitue une declaration unilaterale de lutilisateur alors que par definition il a deja accepte les CGU de la plate-forme conferant a celle-ci un droit dusage tres large sur les contenus postes :Pour le contenu protege par les droits de propriete intellectuelle comme les photos ou videos (contenu de propriete intellectuelle) vous nous donnez specifiquement la permission suivante conformement a vos parametres de confidentialite et des applications : vous nous accordez une licence non-exclusive transferable sous-licenciable sans redevance et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriete intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation avec Facebook (licence de propriete intellectuelle). Cette licence de propriete intellectuelle se termine lorsque vous supprimez vos contenus de propriete intellectuelle ou votre compte sauf si votre contenu a ete partage avec d’autres personnes qui ne l’ont pas supprime.Ces CGU ont valeur de contrat entre deux parties et la licence ainsi conferee ne peut être remise en cause unilateralement par lune dentre elles par le simple fait de poster un message sur Facebook. Cest en ce sens que lon peut dire quil est illusoire de croire pouvoir se proteger de cette maniere.Reprise dun meme classique sur Internet pour se moquer du Facebook Copyright Hoax.Mais la recurrence du partage de ce « Facebook Copyright Hoax » qui est presque une sorte de « meme juridique » merite a mon sens mieux que les manifestations de mepris des juristes dont il fait lobjet notamment parce quil traduit quelque chose dinteressant dans les aspirations des internautes et la maniere dont ils souhaiteraient que lusage de leurs contenus et donnees sur le web soit regules.On remarque dabord que le texte precise bien que la personne qui le partage entend soumettre a son accord ecrit prealable les « usages commerciaux » sur les contenus postes (For commercial use of the above my written consent is needed at all times). Mais cela signifie aussi a contrario que les personnes publiant ce message acceptent la reutilisation non-commerciale de leur contenu. Cela reviendrait si cetait fait dune maniere juridiquement correcte a les placer sous une licence Creative Commons CC-BY-NC. Il y a donc autant une volonte de partage que de contrô comment pirater un compte facebook directement le dans ce message et cest un aspect interessant que personne ne releve.Confusion entre donnees personnelles et droit dauteurLa où en revanche il y a quelque chose de problematique dans ce statut cest la confusion quil opere entre les questions de droit dauteur (copyright) pouvant se poser a propos des textes photos ou videos postees par les utilisateurs et les questions de donnees personnelles et de vie privee. Cela fait echo dailleurs a lidee de creer un droit de propriete ou même un droit dauteur sur les donnees personnelles qui a ete avancee en France au debut de lannee derniere et a propos de laquelle jai deja eu plusieurs fois loccasion decrire pour la critiquer.En effet le fonctionnement de Facebook montre a quel point il est illusoire de penser pouvoir se proteger avec le droit dauteur contre une plateforme qui fonctionne justement comme un veritable « aspirateur a propriete intellectuelle ». La tactique de Facebook consiste justement a appuyer sur le droit de propriete des utilisateurs sur leurs contenus pour se faire octroyer une licence dusage tres large par le biais du consentement mecaniquement exprime a linscription sur la plate-forme la plupart du temps sans même prendre le temps de lire ces CGU. Le droit dauteur dans un tel contexte nest absolument daucun secours pour lutilisateur et pire il est même linstrument au service de la plate-forme par lequel loctroi du droit dusage est rendu possible.Certes ensuite Facebook a beau jeu de dire quil nest pas « proprietaire » des photos et contenus partages. Cest vrai dans la mesure où il ny a pas cession des droits a titre exclusif comme quand vous vendez votre voiture ou quand un auteur cede ses droits sur un roman a un editeur. Mais comme javais eu loccasion de lexpliquer ailleurs Facebook par le biais de ses CGU fait naître un « droit de propriete fantôme » sur les contenus repliquant un droit dont il pourra user ensuite a sa guise y compris pour le transferer a des tiers.Privacyleft ou Privacy Commons ?Le droit dauteur nest donc certainement pas un modele interessant pour favoriser une regulation plus equitable de lusage des donnees personnelles par les grandes plate-formes sur Internet. Par contre il y a a mon sens un interêt a voir les utilisateurs de Facebook utiliser un statut ressemblant a une licence Creative Commons « informelle » pour essayer de regagner la maîtrise de leurs donnees personnelles. Cest ce que javais essaye dexpliquer rapidement a Xavier de la Porte lorsquil mavait interroge :[Ce texte] ressemble un peu a une licence Creative Commons “informelle”. Il montre que les individus aimeraient pouvoir fixer a priori les conditions de reutilisation de leurs donnees personnelles comme ils le font de leurs Å“uvres avec des licences “declaratives” de type Creative Commons.Or il y a un certain nombre de personnes qui cherchent en ce moment a creer un “privacyleft” inspire par le “copyleft” du logiciel libre [l’inverse du copyright le fait de ceder volontairement ses droits ndlr] ou des “privacy commons” inspires des Creative Commons.La notion de « privacyleft » a deja ete mise en avant dans le cadre dun projet français intitule « Design Your Privacy« . Et certains comme Olivier Ertzscheid avait manifeste de leur côte leur interêt pour des Privacy Commons qui auraient permis de reiterer le même retournement pour les donnees personnelles que les Creative Commons ont permis doperer pour le droit dauteur.Quelle forme concrete pourraient prendre de tels Privacy Commons ? On peut en avoir un aperçu interessant dans le cadre du projet « The Alternet » qui propose des « Data Licences » avec des jeux de logos permettant aux individus de determiner finement les usages autorises de leurs donnees par des tiers plutôt que de se les faire imposer par des plateformes via leurs CGU.Un certain nombre dautres projets du même type existent dont on peut avoir un aperçu sur cette page de wiki.***A mon sens le « Facebook Copyright Hoax » devrait donc être pris au serieux plutôt que raille malgre ses imperfections car il traduit des aspirations legitimes et indique peut-être une piste interessante pour levolution de la mise en oeuvre du droit des donnees personnelles.Neanmoins a mon sens des Privacy Commons presenteraient encore le defaut de faire toujours reposer sur des decisions individuelles la regulation dun probleme eminemment collectif qui est celui de lexploitation des donnees personnelles. Comme jai deja essaye de le montrer on ne reglera pas ce probleme « ecosystemique » sans reussir a sortir du paradigme individualiste a travers lequel les donnees personnelles sont aujourdhui apprehendees. Ce ne sont pas tant les donnees personnelles prises a leur niveau le plus fin de granularite quil faudrait placer sous un regime de « Privacyleft » mais lensemble des donnees personnelles liees en reseau pour lesquels il faut creer un nouveau statut pour en faire un objet collectif susceptible dêtre defendu en commun. Et cela implique un retournement beaucoup plus profond du statut juridique des donnees personnelles& dont je parlerai bientôt dans un autre billet.#teasing ;-)PartagerFacebookTwitterGoogleLinkedInPocketPrint & PDFEmailPlusTumblrPinterestImprimerRedditchargement…Sur le même theme Comment pirater un compte FaceBook

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